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29/10/2020

John Burnside : Le Bruit du dégel

john burnsideJohn Burnside est né en 1955 à Dunfermline, en Ecosse, où il vit actuellement. Il a étudié au collège des Arts et Technologies de Cambridge. Membre honoraire de l’Université de Dundee, il enseigne aujourd’hui la littérature à l’université de Saint Andrews. Poète reconnu, il est aussi l’auteur de romans et de nouvelles. Le Bruit du dégel date de 2018.

Scarsville, Etats-Unis, en 1999. Kate, la narratrice, étudiante déprimée depuis le décès récent de son père, vit en colocation avec Laurits, cinéaste anthropologue réalisant des films avant-gardistes. Leur relation sentimentale est floue, l’alcool et la drogue sont de la partie. Pour les besoins de son « petit ami », Kate fait des enquêtes dans la banlieue pavillonnaire, chargée de recueillir oralement les histoires que voudront bien lui confier les gens. Quand elle rencontre Jean Culver, une vieille femme qui coupe son bois, sa vie prend un cours nouveau : Jean propose à Kate un marché, elle cesse de boire et elle, en échange lui racontera des histoires.

Pour que les choses soient bien claires, ce roman est absolument magnifique. Mais, car il y a souvent un mais, si comme moi vous connaissez cet écrivain (voir mes autres chroniques de ses livres), vous pourriez être dérouté car ici – même s’il y règne une sensation de flou – il est beaucoup moins mystérieux que d’autres romans, sans aucune allusion au paranormal ou fantastique ; ce premier point écarté, il a un vrai défaut à mes yeux, j’ai été très long (vraiment très long !) à entrer dans l’histoire, hésitant même à l’abandonner. Et puis le voile s’est éclairci, la sublime littérature de John Burnside a fait le reste et je suis tombé sous le charme, pris par les émotions. Charme d’autant plus intense qu’il fut long à se dessiner.

Quand Jean se proposera pour raconter des histoires, en fait elle va raconter sa vie, incluant les membres de son entourage, chacun incarnant d’une certaine manière, un pan de l’histoire moderne des Etats-Unis. Il y a Jérémy, son frère aîné, il a vu leur père avocat abattu en pleine rue quand ils étaient enfants, puis il a fait la guerre en Europe contre le nazisme avant de s’interroger sur la nécessité d’Hiroshima, les horreurs il les a côtoyées. Marié, il a eu deux enfants, Jennifer, très tôt politisées dans les mouvements contestataires et radicaux des années 60’, les attentats et finalement la clandestinité éternelle pour échapper au FBI ; un fils, Simon, déserteur du Vietnam, lui a vécu les massacres traumatisants de civils. Et puis, il y a le grand amour de Jean, lesbienne, elle s’est entichée de Lee, soldé par un drame dont elle porte encore aujourd’hui le fardeau.

Entre Jean et Kate, une relation de tendre amitié s’instaure au fil de leurs rendez-vous dans un sympathique café du coin, devant une tasse de thé et un gâteau fait maison. L’une, l’autre, vont s’aider sciemment ou pas, à vaincre leurs démons et quand la vieille femme verra venir sa dernière heure, son sac de souvenirs tragiques vidé, elle partira délivrée. Kate, de son côté, s’éveillera à la vie pour un nouveau départ.

Je le répète, c’est absolument magnifique. Le texte est dense, l’écriture somptueuse, jouant sur les climats et les sensations, les explications de faits qui ne viennent qu’à postériori. Tous les personnages cités sont émouvants que ce soit par leurs combats ou leurs amours. Les références cinématographiques pointues abondent, littéraires aussi. De petites histoires pour conter la grande Histoire… Le roman de l’écrivain le plus proche de la réalité, alors que – paradoxe – tout du long, les acteurs s’interrogent sur le sens des histoires ou le rôle de l’Histoire.

Un livre mais surtout un écrivain à lire absolument.

 

« Si vraiment elle cherchait à me guérir, je ne comprenais pas pourquoi. Qui étais-je à ses yeux ? Qui étais-je aux yeux de qui que ce soit ? A moins que l’explication se trouve justement là ? Je n’étais personne, donc le choix idéal. Jean Culver pouvait raconter ses histoires sans avoir l’impression de parler toute seule. D’un autre côté, même si je sais aujourd’hui que j’étais dans l’erreur, ou en tout cas pas entièrement dans le vrai, je crus bel et bien, à l’époque, qu’elle s’était mis en tête de me guérir parce qu’il fallait qu’elle m’offre quelque chose en échange de mon écoute. »

 

john burnsideJohn Burnside  Le Bruit du dégel  Editions Métailié – 360 pages –

Traduit de l’anglais (Ecosse) par Catherine Richard-Mas

 

 

 

 

« Jean était toujours à demi perdue dans ses rêves quand la chanson suivante commença, Maybe You’ll Be There s’enchainant directement sur un autre classique des années 1950, la même profusion d’instruments à cordes répondant à la voix – Kay Starr là encore, à en croire le timbre -, et cette fois je connaissais le morceau mais pendant un instant je me demandai où je l’avais entendu. »

 

07:00 Publié dans Etrangers | Tags : john burnside | Lien permanent | Commentaires (15) |  Facebook |